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L'homme tronc

Bâtard, bâtard de tout, bâtard de rien, bâtard de gènes et de cultures, tous les sangs coulent en ma nature.
Et, à tous les imbéciles qui s'affirment heureux d'être nés quelque part,
A tous les fruits des arbres empotés en des prés carrés, afin de ne pas décarrer du verger,
Je diverge et n'hésite à déclarer que mes racines – ELLES - se plantent dans le ciel.
Ciel hors toutes frontières, tous douaniers, toutes géométries paranoïaques et xénophobes.
Ainsi fils d'Abel, berger des pâtures, ennemi de tous les barbelés, comment nidifier ?
Comment nidifier dans un arbre géant qui de fêtes en fêtes, de victoires en défaites, se retrouve cul par dessus tête, faîte à l'envers
Comment nidifier quand fils du vent j'embrasse la terre entière ?

Il me suffit d'un point d'ancrage, d'une belle terrienne qui me fasse vibrer de toutes ses radicelles
Alors je plante ma tente, ma toile s'alourdit béton, et dans l'attente de nouvelles tentations, j'occulte la lumière des étoiles, je me réveille Caïn, je nidifie dans mon cabanon.
J'achète un toit, j'achète une maison, j'achète un fortin, j'achète un nid d'amour, j'achète une prison
Oh pas dans une ville appel à tous les nomadismes, toutes les ouvertures, toutes les évasions
Non, dans un trou profond de la France profonde, un très vague non lieu d'où rien ne divague, un espace hors les cartes de vie, dirigé par Ubu que ses sujets magnifient.
Condamné au non lieu mes ailes s'atrophient, mes muscles s'amollissent, ma pensée se raréfie.
La belle geôlière, elle, jouissait de sédentariser le Manouche, le Touareg, d'apprivoiser l'ivre de liberté

Une fois domestiqué, je ne présente plus aucun intérêt pour elle.
Comme j'ai l'air con chaussé de mes charentaises !
Alors elle me dénidifie, me liquéfie, me dynamite, m'explose, me dénie.

Bâtard, bâtard de tout, bâtard de rien, je ne suis plus d'aucune tribu, sur aucune route, d'aucun itinéraire
Je suis nu, nu avec et dans ma soixantaine, nu avec et dans mes mots, avec le sang de toutes les peuples qui recircule dans mes veines
Déboussolé j'erre nu aux bords des chemins. Cependant repoussent mes semelles de vents, j'atèle ma verdine, je selle mon méhara
Sans la belle, qui s'est fait la belle, je me labellise à nouveau Abel. Toutes les musiques de toutes les langues reviennent à mes oreilles, tous les appels, j'hume tous les parfums, goûte à tous les plats.
Mes cartes d'état-major sont à nouveau vierges. Explorateur sans arme ni drapeau, je redessine les oasis, les puits, les pistes, les points de rencontres de ce désert de sable, d'argile, d'asphalte et de béton, à l'aulne de mes pas.

Il me reste peu de temps sais tu ?
Trop peu pour qu'Atlas je supporte tout le poids de la Terre. Trop peu pour que Caïn je me l'approprie
Devant toi pousse un arbre chétif, nourrit de défaites en défaites, un arbre tortueux, un arbre vieilli, Mais un arbre qui appelle la vie, et qui, sauvage, anar, impudent, plante avidement ses racines dans le ciel.

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