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Vielle taupe

J'ai jardiné, déraciné les pavés jusqu'à découvrir la plage
le soleil était haut, les nuages bas brûlaient nos yeux jusqu'aux larmes
j'ai jardiné, déraciné les pavés entassés en des barricades
le granit rebondissait sur les épouvantails
flammes et grenades éclairaient la nuit de nos champs de bataille
l'aube offrait aux badauds ébahis carcasses brûlées, arbres couchés, air vicié
militairement c'était néant, mais nous bâtissions des images, résurgence des grandes nuits où Gavroche nous accompagnait de FFI
J'ai jardiné, déraciné les pavés jusqu'à découvrir la plage
les vagues roulaient rouges, les vagues roulaient noires dans la rue, sur les usines, au faît des grues
au vent de l'histoire
flux et reflux
trop de reflux
J'ai jardiné, déraciné les pavés jusqu'à découvrir la plage
J'étais étudiant, j'étais ouvrier, Français Apatride et Etranger
je me rappelle, j'ai peu dormi dans ces odeurs de ronéo et de lacrymos
dans cette générosité partagée, dans l'utopie de nos folies
leur vieux monde vacillait et notre jeunesse dansait
pas une voiture dans les rues, pas un train, pas un métro
ni boulot, ni dodo
tout le monde se parlait, dans la soif de comprendre, dans la soif de s'entendre
pour la première fois la politique se la jouait poétique
même si nos pensées s'alourdissaient - encore - de vieux machins crétins et assassins, plein d'ismes idéologiques
nous tissions le linceul du vieux monde, des vieilles philosophies
mais pas encore des vieux aigris rabougris

car veillaient Charlie et Séguy

J'ai jardiné, déraciné les pavés jusqu'à découvrir la plage
celle de tous les calculs, de tous les reculs, des peurs et trahisons
alors a démarré le raz de marée
la revanche des godillots et des socio-rétros
leur dernière valse aussi, ils ne se savaient en sursis
aujourd'hui plus personne n'est ni gaullien ni stalinien

Bien sûr j'ai bu la tasse, mais j'ai continué à jardiner sans oublier la plage
flux et reflux

Nous avons tout inventé, même si trop parcellisés, individualisés
Alors aujourd'hui quand j'entends le dernier de la dynastie des Versailles et Vichy
Se vanter de liquider l'héritage d'un mois de Mai en survoltage
dans le jardin de Luxembourg, Rosa, je croise ta Vieille Taupe
qui de sa galerie me dit « - continue de jardiner, déracine les mots, sous les pavés, personne ni marée, flux ni reflux, n'a tourné la plage ».

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